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Musique

Pour son premier album, Pappy Kojo est insolent comme jamais

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Entre rap et comédie, récompenses et buzz divers, le rappeur ghanéen est devenu un figure publique parmi les plus influentes de sa génération. Il était temps qu’il publie son premier album, Logos 2. Retour sur l’itinéraire d’un garçon qui a le goût de la provocation.par Nils Bourdin17 mars 2021

Originaire de Takoradi, ville de plages et de musique à l’ouest du Ghana, Pappy Kojo part à l’adolescence en Italie pour apprendre à cuisiner. Mais mélanger différents ingrédients, chercher l’harmonie entre les saveurs et trouver une recette personnelle sont autant de préceptes que le jeune homme va vite choisir d’appliquer à la musique, qui l’attire plus encore que la cuisine. Très vite, il commence à poster des reprises de ses artistes préférés, des légendes du hiplife (Tic Tac, Reggie Rockstone, Obrafour) aux stars du rap américain (Lil Wayne, 50 Cents, Eminem). « J’ai réalisé que les gens au Ghana prenaient ça au sérieux, alors j’ai tout quitté et je suis revenu au Ghana », nous raconte-t-il. « Mais je n’ai pas pu supporter la pression. Il ne m’a fallu que 6 mois pour retourner en Italie. Je ne pouvais tout simplement pas, l’expérience était trop nouvelle pour moi. En fait, j’ai arrêté la musique jusqu’en 2014, quand je suis revenu (au Ghana) et que les choses ont commencé à démarrer ». À cette époque, Pappy s’associe à Joey B pour sortir « Wave » et « Realer No », deux hits qui propulsent très rapidement la carrière du rappeur. Les 2 artistes apportent une bouffée d’air frais au Hip-Hop ghanéen, avec une esthétique et des sonorités fortement influencées par la scène Trap américaine, alors en pleine émergence. « Sur ces morceaux on se vantait un peu, on rappait en vantant notre confiance en nous », se souvient Pappy avec nostalgie. « On était juste des jeunes gars bruts qui faisaient du Hip-Hop à fond. Un nouveau son, une nouvelle vague, une nouvelle énergie, un nouveau tout ! ». Et l’énergie ne s’est pas arrêtée depuis. De 2014 à nos jours, le rappeur a enchaîné les singles, du désormais classique « Akwaaba » à « Thomas Pompoy3yaw ». Pourtant, en 7 ans de carrière, Logos 2 est le premier projet à proprement parler que l’artiste publie… pourquoi ? « Bonne question… Mais je n’en ai aucune idée, frère ! », il éclate de rire.

Pappy Kojo – All Day All Night (ft. Kofi Kinaata & Gyedu Blay Ambolley) 
Rrap, humour et provocation : une irrésistible ascension

Les singles n’ont pas été les seuls outils de Pappy pour rester constant et pour solidifier sa fanbase depuis 2014. Car le rappeur est peut-être aussi connu pour sa musique que pour son humour. Avec 1 million de followers sur Instagram, presque autant sur Facebook et d’autres réseaux sociaux (« On m’appelle le rappeur Tik Tok numéro 1 ! », précise-t-il), Pappy est presque un influenceur. Qu’il s’agisse de pousser ses fans à se raser les sourcils ou de remettre à la mode les fameuses sandales Crocs, son image de rappeur est intimement liée à son image publique, celle d’un homme tendance, drôle et amateur de buzz. Jouer le comique, paradoxalement, est peut-être le meilleur moyen qu’il ait trouvé pour rester fidèle à lui-même. « C’est comme ça que j’ai toujours été, et je ne peux juste plus le cacher ! », dit-il en riant. « On a juste envie de rire, mec. En grandissant, j’écoutais des rappeurs comme D12, Snoop Dogg,.. Eux aussi sont des rappeurs drôles ! ». Et sans vouloir lui prêter des intentions politiques, il est indéniable que son humour trouve souvent un véritable écho social. Car s’il y a bien une chose que Pappy Kojo aime, c’est parler des choses dont il ne faut pas parler. « Je ne sais même pas ce que c’est qu’un tabou, pour être honnête », confirme-t-il. Quand il s’illustre par exemple en traitant un fan Twitter de « wo tw3 » (un terme Twi que nous encourageons nos lecteurs à rechercher sur Urban Dictionary), provoquant un tollé en ligne, cela débouche sur un tube, parce qu’il a « la trentaine maintenant et que personne ne devrait lui dire comment tweeter ou comment agir ». Ou encore, plus récemment, lorsqu’ il a déclaré être gay à la télévision nationale, dans un pays où les actes sexuels entre personnes de même sexe sont illégaux. « Vous détestez les homosexuels ? », demande le rappeur à son hôte avec un sourire sardonique dans la séquence vidéo, buzzant sur tous les réseaux. « Quand ma grand-mère a vu ça à la télé, elle m’a appelé direct », s’amuse-t-il. « Elle m’a dit que je devais rentrer à la maison, qu’elle devait me parler… Je vais être honnête avec toi mec, en grandissant ici avec ma grand-mère, j’étais un homophobe pur et dur. Mais ensuite j’ai développé ce que j’appelle le bon sens. Pourquoi les gens essayent de dire aux gens comment vivre ? Regardez comment le système est dur. Si un homme adulte décide d’être avec un autre homme adulte, et que c’est ce qui le rend heureux, pourquoi essayer de lui enlever ça ? ». Comme le dit Pappy lui-même, « il y a des moments où on peut plaisanter, mais il faut aussi être sérieux ». Et malgré toutes ses extravagances, l’artiste s’est également montré très ouvert pour parler d’un épisode sombre qu’il a vécu : une dépression… qui, à l’époque, contrastait énormément avec son job et sa réputation. « Ils ne prennent pas la dépression au sérieux ici. Vous allez voir votre mère, vous dites que vous êtes déprimé, elle vous dira probablement d’aller vous faire foutre. Et je ne leur en veux pas non plus, c’est la jungle ici, tout le monde essaie de survivre. Mais pour moi, le fait d’en avoir parlé ouvertement a été l’un des moments dont je suis le plus fier. Même aujourd’hui, certaines personnes s’en servent pour se moquer de moi. Mais je m’en fiche complètement. Vous n’avez aucun moyen de nuire à ma carrière, à part en me coupant la gorge ! »

© Laurent Bentil
Embarquement sur Logos 2

La dépression est maintenant loin derrière, les jours heureux sont de retour, et Pappy veut juste faire plaisir à ses fans avec son nouvel album. « Logos 2 est (le nom d’) un bateau qui, en grandissant à Takoradi, venait de temps en temps. Chaque fois qu’on nous disait qu’il venait, on était super excités de monter dessus. Parce qu’il y avait tout : les jouets, les livres… il y avait tout, mec ! C’est comme ça que je voulais que mon album soit. Je voulais que mes fans aient vraiment envie de Logos 2, et qu’après avoir écouté Logos 2, ils aient envie de retourner sur Logos 2. Je cherchais aussi quelque chose qui soit en rapport avec Takoradi. Ça correspondait tout à fait ». Comme le projet correspondra probablement aux fans. Avec 14 titres, 14 flows et 18 invités, Pappy a été généreux. « Je donne tout avec celui-là », sourit-il. « Toute l’année dernière, je n’ai rien sorti avant décembre, alors j’ai vraiment besoin de nourrir les gens en musique ». Pourtant, ne vous y trompez pas : ce n’est probablement pas un album destiné au grand public, qu’il soit du Ghana ou d’ailleurs. En effet, Logos 2 n’est pas de l’(afro)pop mais bien un pur album de rap, et même sur les chansons les plus proches de l’afrobeats (« Thomas Pompoy3yaw », « Tonight », « Nampa »), Pappy livre des couplets féroces. Mais comment savoir que c’est du rap de Takoradi, du Ghana ? La réponse est simple : « Ma langue, frère ! », répond-il fièrement. « Personne ne parle le Fanti de Takoradi comme je le fais. Même certaines personnes de Takoradi ne le comprennent pas. Et si vous ne comprenez pas mes paroles, ce n’est pas grave : il suffit de vibrer dessus ».

De fait, représenter Takoradi a toujours été important pour Pappy. « J’ai l’impression que lorsque les gens viennent au Ghana, tout ce qu’ils connaissent c’est Accra, Accra, Accra », nous dit-il. « Mais comment peut-on aller en Italie et seulement parler de Rome, Rome, Rome ?? Il y a d’autres endroits magnifiques au Ghana. Takoradi en fait partie, et c’est normal d’en faire la promotion. Mais je ne vais pas mentir, la plupart des habitants de Takoradi ne m’aiment pas, parce qu’apparemment je n’ai pas grandi ici alors ils me disent « pourquoi tu dis être d’ici » ou d’autres trucs ». Pourtant, les patrons de la musique locale ont bien répondu présents pour le soutenir sur son album. Sur « All day », par exemple, il s’associe au rappeur Kofi Kinaata et à la légende du highlife Gyedu Blay Ambolley, les « Takoradi Goats (Greatest Of All Times) », selon ses dires. A l’échelle nationale, de grands noms sont également sur le projet (SarkodieKwesi Arthur, Kuami Eugene), et à l’international, la Sud-Africaine Busiswa et le rappeur nigérian Phyno apportent leurs voix sur « Thomas Pompoy3yaw (Remix) » et « Greens Means Go (Remix) ». Pour un premier album, Pappy n’a pas voulu d’un projet intimiste et personnel, mais d’une vraie fête, à l’image de sa personnalité. Cette tracklist généreuse ne l’a pas empêché d’être lui-même sans tabou ni fard. Et si vous ne comprenez pas comme moi le Fanti, sachez simplement que le message principal de cet album est… ? « Bro, j’ai tout dit dans cet album », répond-il sans détour. « Tout est dans l’album. Tout bro, touuuuut. Touuuuut ». La musique parle d’elle-même, a l’air de dire Pappy…. Sur, tout n’est pas dans les textes chez lui, et on peut dire sans se tromper que Logos 2 parle de confiance en soi, de plaisir, d’histoires d’amour et de passion. Apparemment, le seul secret que l’album (qui dit Touuuuut bro!) ne nous dévoile pas est le prochain projet du rappeur : un restaurant. « Pappy’s Pizza sort finalement cette année !! Je suis super excité à ce sujet aussi, parce qu’ici au Ghana, étant passé par beaucoup d’endroits, mec, la pizza que je connais n’est pas bien, elle n’est pas assez hard ». Pour le coup, le rappeur ne nous mène pas en bateau : il n’a pas oublié qu’il était cuistot, et compte bien surfer sur cette nouvelle vague, couleur rouge-tomato.

Source www.pan-african-music.com

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