Le géant suédois de la musique en ligne est visé par une plainte déposée aux États-Unis par le rappeur RBX, cousin de Snoop Dogg.
Spotify à nouveau pointé du doigt. Une plainte collective a été déposée devant un tribunal fédéral de Californie, dimanche 2 novembre, contre le géant du streaming musical. Il lui est reproché de laisser faire une fraude généralisée concernant ses statistiques d’écoute. D’après les plaignants, dont le rappeur RBX, cousin de Snoop Dogg, des milliards d’écoutes frauduleuses sont générées via l’intelligence artificielle au profit de mégastars de la plateforme, comme Drake, mais au détriment d’autres artistes moins connus. Selon la plainte, consultée par des médias américains(Nouvelle fenêtre) et l’AFP, le rappeur canadien engrange des millions de dollars grâce à des écoutes provenant de faux comptes, ce qui bénéficie à Spotify en augmentant de façon artificielle son nombre d’utilisateurs.
La plainte avance que « chaque mois, sous le regard de Spotify, des milliards d’écoutes frauduleuses sont générées par des méthodes illégitimes », notamment via des « bots », des automates qui reposent généralement sur l’intelligence artificielle. Les auteurs de la plainte se focalisent sur le cas de Drake et ont analysé ses données sur Spotify entre janvier 2022 et septembre 2025, soit 37 milliards d’écoutes. « Une part substantielle » serait « inauthentique », car générée par un « vaste réseau de comptes bots » qui font office d’auditeurs fictifs. Les plaignants mettent en avant, notamment, une « utilisation anormale de VPN » destinés à masquer l’origine géographique des écoutes via des bots. Ils relèvent également « des comptes diffusant la musique de Drake 23 heures par jour ».
« En conséquence, la musique de Drake a accumulé un nombre total d’écoutes bien supérieur à celui d’autres artistes très écoutés, même si ces artistes avaient beaucoup plus d’utilisateurs que Drake », est-il écrit dans la plainte. Celle-ci ne mentionne pas comment ces données ont été obtenues ni comment elles ont été analysées, précise le magazine américain Rolling Stone.
« Un préjudice financier considérable »
« Si la fraude aux écoutes concernant les chansons de Drake est un exemple parmi d’autres, elle n’est pas un cas isolé », affirme la plainte qui ne met pas en cause l’artiste canadien mais la plateforme qui l’héberge. Elle est « intentée au nom du plaignant et d’une catégorie d’artistes musicaux, d’auteurs-compositeurs, d’interprètes et autres détenteurs de droits musicaux se trouvant dans une situation similaire ». Le rappeur RPX « donne la parole à plus de 100 000 titulaires de droits qui peuvent être dans l’incapacité ou avoir trop peur de défier Spotify, acteur puissant de l’industrie musicale dont l’inaction a causé des problèmes importants et un préjudice financier considérable ».
Ces écoutes gonflées de manière artificielle auraient généré d’importants revenus pour Drake, aux dépens d’autres artistes. En effet, Spotify rémunère les artistes selon la logique du « market centric », contrairement à Deezer : le revenu généré par l’écoute d’un morceau donné est calculé au prorata de tous les morceaux présents sur le marché, c’est-à-dire que plus la part de marché d’un morceau est importante, plus l’artiste est rémunéré, ce qui donne peu de chance aux chanteurs émergents. « Quand les écoutes sont manipulées à grande échelle, cela affecte directement les revenus de milliers d’auteurs, compositeurs et producteurs », a déclaré l’avocat Mark Pifko, qui représente RBX. La plainte réclame plus de 5 millions de dollars de dommages et intérêts et demande au tribunal d’ordonner à Spotify d’identifier les victimes présumées de la fraude.
Spotify accusé d’inaction
La plainte assure par ailleurs que le géant de la musique en ligne ferme délibérément les yeux et bénéficie de cette fraude supposée. « Pour Spotify, plus d’utilisateurs et d’écoutes en streaming signifient plus de revenus publicitaires, tant que la véritable origine de ces écoutes reste dissimulée », dénonce-t-elle. Un porte-parole de la plateforme refuse de commenter ce litige en cours mais réfute qu’elle ait tiré profit d’une telle fraude. « Nous investissons massivement dans des systèmes de pointe en constante amélioration pour lutter contre ce phénomène et protéger les rémunérations des artistes, grâce à des mesures de protection efficaces telles que la suppression des flux frauduleux, la rétention de redevances et l’application de pénalités« , indique le porte-parole à l’AFP.
Cette fraude au streaming est un sujet récurrent au sein de l’industrie musicale. En France, une étude du Centre national de la musique publiée en 2023, révélait qu’entre 1% et 3% des écoutes en ligne sont fausses. Ces accusations acculent encore un peu plus Spotify, à qui on reproche déjà ses contenus générés par IA, sa faible rémunération des artistes mais aussi les investissements de son PDG. Si la plainte est validée par le tribunal californien, elle pourrait devenir la première action collective mettant en cause le modèle de rémunération du streaming musical.
Source www.franceinfo.fr