L’artiste trentenaire reposera dans le quartier d’où il était originaire.
Werenoi, de son vrai nom Jérémy Bana Owona, a été inhumé mardi 20 mai à Montreuil (Seine-Saint-Denis), accompagné par le quartier qui l’avait vu grandir. Le rappeur s’est éteint le 17 mai à l’âge de 31 ans seulement, en pleine gloire, alors qu’il était numéro un des ventes d’albums en France ces deux dernières années. L’artiste à l’ascension fulgurante est mort brutalement dans un hôpital parisien, sans que les causes de son décès soient précisées.
Quelque 800 personnes sont venues lui rendre hommage, après des prières dans une mosquée pleine. « Pas de téléphone, pas d’appareil photo, pas de caméra », répètent des vigiles devant le cimetière. Devant les grilles vertes du cimetière municipal, Nicolas, 25 ans, confie à l’AFP que « c’est la classe qu’il soit enterré ici, dans son quartier » de Montreuil, à l’est de Paris. « Ça m’a gravement touché qu’un artiste né ici, originaire du Cameroun (par ses parents) comme moi, ait tant de hype. J’aimais comment il posait ses mots sur l’instrumental. À Paris, au Zénith (en 2023), c’était mon premier concert et c’était fabuleux », ajoute le jeune homme à la chevelure rasta, assurant que sa mère qui vit avec lui « aime bien aussi ».
Dans le quartier Jean-Moulin, un homme de 27 ans a fermé son commerce pour assister aux obsèques. Se surnommant « Tommy », il évoque « quelqu’un de simple, de cool, un bon gars avec lequel on a grandi ». Il a toujours « cherché la discrétion », souligne-t-il, y compris ce décalage total entre sa reconnaissance parmi la jeunesse et son absence de notoriété dans les grands médias.
« Ce qu’il rappe, c’est ce qu’on vit tous les jours »
Werenoi s’était imposé comme l’artiste ayant vendu le plus d’albums en France en 2023 et 2024, selon le Syndicat national de l’édition phonographique. Pour expliquer ce succès, « Tommy » assure que « ce qu’il rappe, c’est ce qu’on vit tous les jours, car même ici, il y a deux mondes parallèles, le monde des Bisounours et un monde dur qu’il racontait dans ses textes : misère sociale, police, jalousie des gens, trafic aussi ».
« Les gens se reconnaissent en lui parce qu’il était crédible, ce n’était pas une fausse image », assure aussi Moussa, 33 ans. « Il a grandi dans la rue ici. Ce n’était pas un rappeur créé de toutes pièces à qui on met une chaîne en or et qui va clipper à Marseille alors qu’il est d’Avignon », ironise-t-il. Yass, 22 ans, séduit par son titre Solitaire, répète que Werenoi « avait de l’esprit ». Avant d’admettre que ses paroles évoquant trafics et violences étaient « dures ».
Quelques heures après l’annonce de son décès, les clips musicaux de Werenoi ont tous été retirés de YouTube. Seuls les audios restent en ligne, dont son dernier duo (Piano) avec le rappeur Gims. Mais sa discographie reste disponible sur les plateformes de streaming Spotify et Deezer.
Sortant du collège, un adolescent de 14 ans, Mamadou, se dit « touché » par sa mort, mais estime qu’« il y a beaucoup d’hypocrisie, car des gens qui ne l’écoutaient pas s’abonnent maintenant à son Instagram et disent que c’était leur rappeur préféré ». « Il racontait un peu des vérités », ajoute-t-il timidement.
« Il était gentil avec son quartier »
« Ça m’a fait mal au cœur », sa mort, confie aussi Sohayb, 14 ans, qui aura beaucoup écouté La League (« Toujours accompagné d’son Beretta, il vient du 9-3… Il joue d’la guitare, pas d’opéra… »). « Ses paroles, c’est un peu dur, mais quand il les dit, genre, j’aime trop ! ». Le regard caché derrière des lunettes de soleil, « Werenoi ne souriait jamais, c’est ça qui faisait son charme aussi. Et il était gentil avec son quartier », assure le collégien.
Source www.franceinfo.fr