Après la mort brutale du rappeur Werenoi, certains internautes appellent à la suppression de la discographie de l’artiste, en s’appuyant sur sa foi musulmane. Un débat théologique et culturel qui anime les réseaux sociaux, mais qui divise également les fans.
Quelques heures après la mort du rappeur Werenoi à l’âge de 31 ans, la radio Skyrock annonce sur les réseaux sociaux une émission spéciale en hommage au plus gros vendeur d’albums en France. Un geste qui peut sembler anecdotique, voire logique, tant l’influence de la station de radio dans le paysage du rap français est forte. Pourtant, les critiques pleuvent.
Un blâme qui n’est pas motivé par une accusation de récupération commerciale de la mort de l’artiste mais par une tout autre raison. Pour de nombreux internautes, les morceaux du rappeur devraient être supprimés des plateformes d’écoute. « Le meilleur hommage possible est de supprimer tous ses sons », réclame un internaute sous le post de Skyrock sur X. Un commentaire qui cumule plus de 5 000 likes.
La question se pose alors : pourquoi certains internautes appellent à supprimer les chansons de l’artiste quelques heures après sa disparition ? Pour ces personnes, ces appels au boycott et à la suppression de la discographie de l’artiste sont liés à la foi musulmane de Werenoi.
La musique, sujet de controverses dans le monde musulman
Selon certains, la musique étant considérée comme « haram » (interdite) dans l’islam, continuer à la diffuser et à l’écouter pourrait lui nuire spirituellement après sa mort. « Dans l’islam, si une personne écoute ses musiques pendant que l’artiste est mort, l’artiste continue de prendre des péchés », explique un internaute sur X. Toutefois, cette interprétation ne fait pas consensus au sein du monde musulman.
Dans certains courants rigoristes de l’islam (comme les milieux salafistes ou wahhabites), la musique est perçue comme un péché lorsqu’elle est jugée profane, vulgaire ou distrayante. D’autres courants sont plus souples, tolérant l’écoute et la production musicale à condition que les morceaux restent décents et ne détournent pas les croyants de leur foi. Une définition qui ne correspond pas vraiment aux codes du rap.
Reste que la question de la musique est un sujet de désaccord dans la religion musulmane. Elle peut être jugée licite ou illicite selon les courants, les intentions et le contenu. La condamnation de la musique n’est d’ailleurs pas explicitement mentionnée dans le Coran. Un hadith, en revanche – ces recueils d’actes et de paroles du prophète Mahomet – est souvent cité comme référence : « Il y aura parmi ma communauté des gens qui rendront licites la fornication, la soie, le vin et les instruments de musique. » Néanmoins, cet hadith fait l’objet de vifs débats entre théologiens, notamment sur sa chaîne de transmission et son interprétation.
Faut-il cesser d’écouter Werenoi après sa mort ?
Quelques heures après l’annonce de la mort de l’artiste, le média spécialisé dans la musique urbaine, Raplume, publie sur X que « son équipe retire actuellement ses morceaux sur YouTube », invitant les auditeurs à écouter sa musique le moins possible, « par respect pour sa foi ». Ce message, supprimé depuis, a alimenté de nombreux débats et controverses.
Car l’idée qu’écouter la musique d’un artiste décédé continue de « lui donner des péchés même après sa mort », comme certains l’affirment sur les réseaux sociaux, ne repose sur aucun texte religieux explicite. Elle découle d’une interprétation indirecte de certains croyants. Pour ces personnes, si le prophète évoque dans un hadith « une aumône continue » – des bonnes œuvres qui continuent de porter leurs fruits dans l’au-delà – les mauvaises œuvres peuvent, elles aussi, produire des effets après la mort.
Dans cette logique, arrêter de diffuser ou d’écouter les morceaux de Werenoi serait une façon de « respecter sa mémoire » et de ne pas contribuer à alourdir son bilan spirituel posthume.
Des prises de position contrastées
Depuis le décès de l’artiste, ce débat ne cesse d’alimenter la toile, notamment sur X. Quand certains ordonnent de ne plus écouter ses titres, d’autres appellent à la modération : « On ne peut pas imposer nos convictions à tous. Tout le monde n’est pas musulman, de notre côté prions juste pour lui et arrêtons de consommer sa musique, mais n’allez pas blâmer ou encore pire insulter les gens », rappelle une utilisatrice de X.
Interrogé par Le Parisien, un proche de Werenoi a assuré que les chansons du rappeur ne seraient pas retirées des plateformes, expliquant que les clips sur YouTube sont masqués temporairement le temps du deuil. Néanmoins, le producteur de Werenoi, Plr, a démenti les propos de ce proche : « Qui vous a dit ça ? Bande de menteurs sans âme », peut-on lire sur son compte X.
La suppression des morceaux de l’artiste semble malgré tout peu probable. En effet, les plateformes de streaming évitent d’entrer dans des controverses idéologiques, et les maisons de disques priorisent des intérêts commerciaux, même post-mortem. Pour l’heure, les titres de Werenoi restent disponibles sur toutes les plateformes.
Source www.rfi.fr