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Musique

En attendant FELA (prologue)

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Alors que la Philharmonie de Paris consacre une grande expo au génial artiste militant, PAM vous propose, à partir du 24 octobre, un grand récit biographique signé François Bensignor. En voici le prologue.

Lagos, 1998 : première Felabration

Le soleil cogne sur le toit du tape-cul à douze places. Crachotant sa fumée noire du haut de l’autoroute qui enjambe la lagune, le mini-bus fend l’air poisseux. Devant, les gratte-ciels de Lagos Island, le Manhattan nigérian. En bas, des huttes sur pilotis qui se mirent dans l’eau noire. Jaillis d’un rêve lilliputien, un vieux et deux disciples, pagnes blancs dans les roseaux verts, prient l’esprit des marais. Bienvenu au pays des contrastes !

Il est neuf heures du matin et nous nous dirigeons vers l’arène cimentée de Tafawa Balewa Square. Le portique monumental d’entrée est tendu de banderoles annonçant “Fela’s Birthday”. En ce samedi 17 octobre 1998 s’ouvre la première journée anniversaire posthume en hommage au créateur de l’Afrobeat. Il aurait eu 60 ans et deux jours. Quatorze mois plus tôt, des dizaines de milliers de personnes se pressaient dans ce même espace pour un dernier adieu.

Il est dix heures et demie quand les premiers accords font tanguer la haute scène en plein air. Des policiers à cheval s’appliquent à faire reculer les premiers rangs de spectateurs à grands coups de nerf de bœuf. Du haut de leur monture, ils n’affichent que mépris pour ces jeunes gens, enfants ou femmes du petit peuple, pourtant bien sages, tout simplement heureux de pouvoir assister à un concert gratuit.

À quatre heures, les uniformes ont disparu quand Seun, quinze ans, lance “Water no get enemy” accompagné par Egypt 80. Passablement chauffés au gin, vendu en petits sachets, les jeunes, en foule compacte, reprennent le tube à gorge déployée. Ils sont incontrôlables au moment où Femi & the Positive Force s’emparent de la scène. Une marée humaine déferle dans le périmètre de sécurité, creuse une brèche et s’engouffre en backstage. Comme sur un radeau, le groupe est emporté au gré de la transe afrobeat qu’il attise. Soudain jaillissent des éclats de fauteuils en plastique. Les danseurs sont pris de mouvements frénétiques. Un vent d’émeute souffle !… Dans l’œil du cyclone, Femi martèle “Clear Road for Jaga Jaga” (“Dégagez la route pour la démence”), une chanson de son père en forme d’exorcisme, dont les paroles incitent à libérer toute l’énergie de sa folie afin de retrouver un meilleur équilibre.

Peu après six heures, alors que le soir tombe, un coup de feu tiré en l’air dégage la route pour les voitures de la troupe quittant l’arène. La nuit de Lagos reprend ses droits et l’esprit de Fela guide le cortège. »

Quand j’écrivais ces lignes, il y a 24 ans, je ne savais pas encore qu’elles débuteraient les pages de la biographie que j’allais consacrer à Fela Anikulapo Kuti, le génie de l’Afrobeat. Combien sommes-nous dans le monde à admirer ce personnage de légende, à ne jamais nous rassasier de sa musique, à mesurer l’incroyable portée de sa pensée et de son legs artistique ? À l’occasion de l’exposition que lui consacre la Philharmonie de Paris, j’ai eu envie de revisiter pour PAM, le livre qu’il y a dix ans j’écrivais sur cet homme d’exception pour qui « la Musique est l’Arme du Futur ».

A partir du 24 octobre, retrouvez la Felagraphie – long récit biographique en trois parties – que François Bensignor a consacré au roi de l’Afrobeat.

A l’occasion de l’exposition Fela Anikulapo Kuti, Rébellion Afrobeat du 20 octobre 2022 au 11 juin 2023, un cycle de concerts est organisé. Retrouvez la programmation sur le site de la Philarmonie de Paris.

Source www.pan-african-music.com

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