Après deux EPs et trois clips qui ont malmené la scène afro-club, le duo suisso-kényan enfonce le clou avec Mugogo !, un album riche et intense qui va au-delà de ses promesses.
En 2020, on découvrait Mugogo ! part.1, première salve signée Flexfab et Ziller Bas, qui nous avait asséné une petite claque en sortant presque sans crier gare. Deux ans plus tard, le projet est abouti et le résultat est là : 22 bangers afro-club qui -même si la quantité paraît indigeste sur le papier- marqueront fermement les scènes rap et électronique de leur caractère explosif. Agé de 27 ans, Baraka Anthony Shujaa aka Ziller Bas a grandi au contact de la culture hip-hop de son quartier de Kiwandani à Kilifi, petite ville côtière du Kenya. Impliqué dans plusieurs associations pour aider les jeunes talents du voisinage, il écrit sur la pauvreté, les inégalités sociales ou la corruption, tout en restant attaché à la culture de ses ancêtres. C’est en posant quelques punchlines à l’improviste sur les beats de Pablo Fernandez aka Flexfab, alors en pèlerinage musical en Afrique de l’est, qu’une alchimie est née le plus spontanément du monde. Né d’une mère suisse et d’un père espagnol, Flexfab vient pourtant d’un autre monde. Celui du vinyle et de la MPC, du sampling et du rap, des sons du club Low End Theory et de l’incroyable scène bass music de Los Angeles. Celui qui a ponctuellement collaboré avec le duo sud-africain Batuk, l’Egyptien Rozzma, le Brésilien MC Kitinho ou la diva kényane Muthoni Drummer Queen a donc décidé d’embarquer de nouveau pour le Kenya quelques mois plus tard, bille en tête.
C’est en seulement deux semaines que le duo conçoit Mugogo ! dans un contexte improvisé, accompagné du réalisateur Raphaël Piguet qui documentera cette aventure à l’urgence DIY palpable, à regarder ci-dessus. Il s’agit là d’un projet aussi jeune que fougueux, qui transpire paradoxalement la complicité de deux vieux potes qui auraient partagé les bancs de l’école. Une collaboration basée sur « la transmission et le partage » et qui mélange savamment la musique afro-club moderne, la bass music et le rap, le tout parfumé d’une fragrance parfois latine. Aux machines, les doigts de fée de Flexfab réussissent sans équivoque leur quête d’efficacité, laissant alors le loisir à Ziller Bas de rapper allégrement dans son « Sweng flow », un mélange de swahili, d’anlais et de de giriama, sa langue bantu natale. Après « Nisamehe », intro spirituelle mais pas pour autant fragile, c’est avec l’éponyme « Mugogo ! » que l’album prend son envol, sans élan. Un titre représentatif de l’album qui conjugue au futur tous les codes du banger afro-club : un flow énergique décomplexé, un beat uptempo qui appelle à la transe et une mélodie imparable.
La nonchalance du percussif « Najiona Mimi », l’entêtant « Haya Wee ! » et l’anthem afro-club par excellence « Coucou ça va ? » rendraient facilement jaloux le maître Gafacci. Ironie du sort (ou pas), les deux collaborent logiquement avec le Ghanéen sur le brillant « Oya Baba », le temps d’une rencontre au sommet. Alors que la sueur perle sur les fronts, les titres s’enchaînent mais l’album ne montre aucun signe de décélération. En s’accordant tout de même quelques breaks dans les ambiances avec l’épuré « Hendzo » et le méditatif mais tendu « Maloveing » la force de Mugogo ! réside dans cette concentration de vibes dancefloor qui n’offre aucune chance de répit à l’auditeur, une concentration dancefloor jouissive, dénuée d’interlude inutile ou de morceau de raccroc, souvent destinés à meubler pour justifier le format album. Brûlant sur « Obey », fiévreux avec « Haha ! Haha ! », le mercure n’en finit pas de monter avec le reaggaetonisé « Kufuguzira » ou les effluves grime de « Ishapija », jusqu’à la conclusion « Shusha Faya » qui n’a absolument rien d’une outro, et qui nous donne simplement envie de crier… Encore !