Le producteur, qui a largement contribué à façonner la trap contemporaine d’Afrique du Sud, s’apprête à sortir un nouveau projet écrit sous la colère et le ressentiment. Il s’ouvre à nous sur ses angoisses.
« Au début, je ne savais pas ce que j’avais, mais j’ai fini par comprendre pleinement ce que je suis : anxieux« , nous dit Zoocci Coke Dope, en direct de son studio à Johannesburg. Au fil des ans, le producteur a travaillé avec les rappeurs les plus flamboyants du pays. Nasty C, Blxckie, A-Reece, YoungstaCPT et bien d’autres ont rappé sur ses productions, tandis que disques de platine et récompenses ont fait de lui l’homme derrière le son de la trap music sud-africaine. Si les producteurs de rap, surtout en Afrique du Sud, ont toujours eu du mal à obtenir le respect qu’ils méritaient, lui est au contraire pleinement et largement reconnu comme un artiste à part entière. Pourtant, il ne se pavane pas pour autant ni ne prend l’air triomphant : Il est anxieux, et semble l’avoir accepté. “J’ai toujours été un gars assez calme, je passais beaucoup de temps à observer autour de moi et à rester seul”, poursuit-il. “Quand vous ouvrez à peine la bouche,vous passez beacoup de temps à réfléchir, et ça finit par développer une certaine anxiété.”
En 2019, après Morning Star (2017) et Do Not Disturb (2018), Zoocci avait consacré un album entier à ce sentiment. Aux côtés de poids lourds du rap comme Priddy Ugly, Nasty C, FLVME, 25K ou encore Kwesi Arthur du Ghana, il avait livré treize morceaux dont les titres donnaient le ton : « Insecure », « Narcissisme », « Paranoia Interlude »… Comme à ses débuts, quand il ne connaissait pas d’artistes à qui donner ses productions, il avait rappé sur la pression, le stress, l’argent ou la drogue sur ses propres instrumentales, dont la signature se reconnaît aux nappes sombres soutenant, sur des rythmique rap, une atmosphère tendue et lugubre. Pourtant, tout cela avait été écrit dans l’espoir d’aller mieux. « Les trucs auxquels je pense ne sont pas des trucs à raconter aux gens, je préfère en faire des chansons« , explique-t-il. « Ce sont des sujets trop complexes pour en parler à mes amis. Je ne peux pas entrer en studio et enregistrer une chanson sur n’importe quoi, n’importe quel jour au hasard, je dois avoir quelque chose qui me tracasse depuis des semaines, ou une idée fixe dans mon esprit. »
Zoocci se prépare désormais pour la sortie de Anxiety +, une suite avec Blxckie, Nasty C, Stogie T et d’autres encore. « Anxiety +, c’est là où les choses deviennent un peu toxiques. Anxiety était un truc très réfléchi, mais le + est plus orienté vers une direction sinistre et toxique. Ça parle de drogues, de colère… Je pense juste qu’il y a très peu de profondeur dans le bonheur« . « TALK SiKK », par exemple, premier single du projet, évoque selon ses propres mots « la toxicité de certaines situations, en particulier l’amour, avec lequel j’ai galéré au fil des ans. Parfois, nous ne savons pas comment la personne avec laquelle nous interagissons peut influencer notre vie simplement à cause de ses mauvaises habitudes. » Le dernier titre d’Anxiety s’intitulait “Current State of Mind” (« Etat d’Esprit Actuel ») : qu’en est-il maintenant ? « Je viens de devenir père l’année dernière. Avoir une petite fille m’a donné envie d’équilibre. Le travail, c’est une bête : j’ai essayé de me ménager, d’avoir un emploi du temps, une routine de travail, mais je suis le genre de type qui doit travailler jour après jour pour avoir l’impression d’être efficace. Je dois trouver un équilibre entre nourrir cette bête et m’assurer que je ne manque rien de ce qui concerne ma fille« . Anxieux comme toujours, mais à la recherche d’autre chose.
Source www.pan-african-music.com