Le 31 mars 2019, le rappeur Nipsey Hussle était assassiné dans son quartier de Crenshaw à Los Angeles. L’Érythrée, pays d’origine de son père, perdait alors l’un de ses plus fiers porte-drapeau. PAM rend hommage à Ermias Asghedom, de son vrai nom, dont le parcours a tant inspiré la diaspora érythréenne.
Nipsey Hussle avait un rêve pour sa communauté. Des rues de Crenshaw à celles d’Asmara, la capitale de l’Érythrée, le rappeur philanthrope, entrepreneur et activiste avait comme profond désir de représenter et de pousser les siens vers le haut. C’était tout l’enjeu, au milieu des années 2000, de son investissement dans un complexe commercial, à l’intersection de Crenshaw Boulevard et Slauson Avenue où il avait grandi, pour le transformer au fil des années en véritable vivier de commerces tenu par des membres de sa famille et de son entourage, au profit de sa communauté. C’est à l’endroit même où il avait réussi à faire éclore cet espoir qu’il s’est vu arraché à cette mission, il y a deux ans maintenant, victime d’une exécution absurde juste devant sa boutique, The Marathon Clothing. Il avait 33 ans.
Les vrais marathoniens préfèrent l’escalier
« Je suis une légende urbaine/South Central dans une certaine section/Je ne peux pas expliquer comment j’ai échappé aux policiers, je suppose que c’est la preuve d’une présence divine, une bénédiction », rappe Nipsey, à la fois triomphant et incrédule quant à sa propre trajectoire, sur le titre éponyme de son testament et unique album studio, Victory Lap. Le chemin parcouru pour arriver à cette fresque flamboyante d’un éternel hustler (lascar, NDLR), distinguée d’une nomination au Grammy, aura été de longue haleine. En choisissant la voie de l’indépendance, Nipsey a probablement allongé le chemin qui le menait vers un large succès, auquel il aurait pu prétendre plus tôt dans sa carrière, mais il préféra tracer son destin selon ses propres critères et par ses propres moyens.
« Il disait toujours de prendre les escaliers », témoigna son frère et associé Samiel, plus connu sous le nom de Blacc Sam. Toute la philosophie du marathon dans lequel Nipsey s’était lancé est résumée dans cette image d’apparence anodine. Passer par toutes les étapes du processus, quitte à traverser quelques tempêtes et déserts par instants, mais en aucun cas ne les brûler. À l’instar de ses contemporains, les rappeurs Kendrick Lamar et Jay Rock, basés à seulement quelques kilomètres de son quartier d’enfance, Nipsey s’est aussi érigé en leader en créant un cercle vertueux autour de lui, pour ceux qu’il représentait et ceux qui l’ont soutenu indéfectiblement depuis ses débuts. Neighbourhood Nip (Nip, là pour le quartier), c’était justement ainsi qu’il était surnommé chez lui. Mais cette philosophie du marathon, véritable allégorie de son parcours, n’a pas germé dans son esprit en arpentant les longues étendues de macadam de son district. Cette idée, elle lui est venue à plus 14 000 km de Los Angeles, en Érythrée.
Source www.pan-african-music.com