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Musique

Paris c’est l’Afrique : Entre Congo et Zaïre

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Retrouvez sur la chaîne Youtube de PAM le quatrième et dernier épisode de Paris c’est l’Afrique, réalisé par Philippe Conrath en 1989. De Ray Lema à Papa Wemba en passant par Kanda Bongo Man, Zao et Loketo… à Paris coule aussi le fleuve Congo.

Paris c’est l’Afrique, chantent en chÅ“ur, bien sapés, Mav Cacharel et Jean Baron en descendant tout sourire les Champs-Elysées. Ils viennent alors de fonder le groupe Loketo avec Aurlus Mabélé. Nous sommes à la fin des années 80, et la Seine prend les couleurs de bien des fleuves africains : le Sénégal, le Niger, le Wouri, le Bandama et bien sur le Congo ! Un fleuve pour deux pays : à cette époque l’un des deux s’appelle encore Zaïre.

Ray Lema et la « philosophie de l’ordinateur Â»

C’est de là que vient Ray Lema, le génial savanturier musical. Lui a quitté son pays quand, directeur musical du Ballet national, il a refusé de composer à la gloire du maréchal Mobutu (oui, oui, le demi-dieu qui sortait du ciel dans le générique du journal télévisé). Direction Washington, puis cap sur l’Europe et Bruxelles. Où Ray retrouve des Zaïrois, comme s’il était encore à Kinshasa. Jusqu’à ce qu’il arrive à Paris : « Quand je suis passé à Paris, raconte-t-il dans le film, c’était la première fois de ma vie que je me trouvais confronté à des Sénégalais en train de discourir sur leur Sénégal, des Maliens en train de brosser le Mali, des Camerounais… avant j’étais un Zaïrois, quoi ! je ne savais pas situer le Zaïrois dans un cadre africain Â». 

Trente ans plus tard, Philippe Conrath, en revoyant sa série documentaire, se souvient de ce tissu de relations avec les musiciens du continent qui vivaient à Paris ou y faisaient escale : « J’étais plongé dans une marmite, je grandissais avec eux, leurs pensées me faisaient grandir, nos échanges me faisaient grandir. Dans le film, c’est hyper contemporain, ce que les gars racontent Â». Pour sûr, il suffit pour s’en convaincre d’écouter Ray Lema, assis à son clavier (sa position la plus fréquente, aujourd’hui encore), en train discuter mentalement avec son ordinateur Atari et d’expliquer  Â«  la musique africaine c’est des séquences, et l’ordinateur c’est des séquences. Donc il suffit que les Africains comprennent cette philosophie de l’ordinateur… en fait c’est un instrument qui a été créé pour eux Â». Les développements actuels semblent lui donner raison… trente ans plus tard !

Wemba Sans Visa

Toujours du côté Zaïre du fleuve, le créateur d’idoles Papa Wemba qui n’est pas encore le « Mzee Fula Ngenge Â», est déjà un pape de la sape. Au pied de la grande Halle de la Villette, où était programmé le groupe de musique traditionnelle Mbulié de Lubumbashi, on le voit marcher et on écoute son analyse, subtile, des différences entre rumba et musiques du terroir. Comme il le rappelle, il est passé par les deux écoles, en suivant sa mère pleureuse, jouant la musique « qui vient du cÅ“ur, la musique d’un peuple Â» avant de révolutionner la rumba avec Zaiko Langa Langa.

D’ailleurs, et c’est une des forces de cette série qui ne se contente pas de rester sur les bords de Seine, on continue la conversation avec lui… à Kinshasa ! Il nous emmène sur les lieux de sa jeunesse, et nous présente même un groupe local, « Station Japon Â» qui, comme tant d’autres groupes kinois, répète en extérieur et en acoustique, faute d’instruments électriques. La meilleure école, sans doute, pour les vocalistes. 

Philippe Conrath se souvient encore du tournage à Kinshasa : « on lui avait créé une sacrée embrouille au pauvre papa Wemba, on lui avait demandé de venir avec nous à Kin, mais il avait oublié qu’il n’avait qu’un visa de tourisme qui ne lui permettait pas de revenir. Il a fallu batailler des semaines et que Jack Lang (le ministre de la Culture d’alors, ndlr) intervienne pour qu’il puisse revenir ! À l’époque pour avoir la carte de séjour, il fallait patienter des mois (voire des années) et lui ne l’avait pas encore, comme tous ceux qui arrivaient en France avec le visa de tourisme. 

Mais c’est incroyable de revoir Wemba qui parle des visas, des galères, quand on sait qu’il a été en prison pour ça plus tard (même s’il a couvert ceux qui autour de lui avaient vraiment géré le business).

Pour Conrath, qui créera fin 1989 le festival Africolor, ces affaires de visa deviendront le poison quotidien qui, à mesure que les années passeront, pourrira la vie des artistes africains et de ceux qui tentent d’organiser leurs concerts en France. Mais à l’époque de Paris c’est l’Afrique, explique-t-il trente ans plus tard « c’était moins compliqué de faire venir les musiciens, qui parfois venaient d’eux-mêmes. On ne savait pas encore que ça allait se durcir à ce point, on n’était pas encore à l’époque des sans-papiers, de la chasse aux clandestins, ni de l’église Saint Bernard. À l’époque, Salif (Keita) pouvait venir ! Aujourd’hui c’est la croix et la bannière pour un jeune artiste génial s’il veut venir Â». Ã€ bon entendeur…

Retour à Paris

Avant de quitter le quatrième épisode, retour à Paris pour saluer un autre patron du soukouss en la personne de Kanda Bongo Man. Le voyage se poursuit de l’autre côté de la Seine, ou du fleuve Congo c’est selon, avec « Pierre de Paris Â» chanté a cappella par le Brazzavillois Zao, (Zéro Admis Omniprésent) qui s’est rendu célèbre avec son tube « Ancien Combattant Â». Ici, tout en tapant le rythme sur (et sous) la table, il conte la truculente histoire d’un immigré qui « n’est pas n’importe qui Â». Rentré au pays, ce dernier collectionne les conquêtes en leur promettant la lune, avec escale à Paris. Voilà maintenant les grossesses qui se multiplient… Conrath retrouvera Zao quelques années plus tard chez lui à Brazzaville, pour une soirée de concert « confinée Â»â€¦ dehors, la guerre civile venait d’éclater.  

Certes, en trente ans, le monde a bien changé, et Paris n’a plus le même rôle stratégique pour la diffusion des musiques d’Afrique. Mais cette époque et ses acteurs ont semé les germes de la diffusion de sons et de cultures qui vont se populariser, au point d’inspirer aujourd’hui des artistes qui n’ont parfois rien à voir avec le continent. Africolor y a aussi largement contribué. Et puis, sous d’autres formes, cette relation entre Paris et le continent demeure. « À l’époque, raconte Conrath, les musiciens se revendiquaient comme maliens, congolais… leurs enfants sont français. De Mory Kanté numéro un au hit parade (énorme), on est passé à Maitre Gims (encore plus énorme). Ils sont devenus des stars. Paris c’est plus encore l’Afrique ». Un titre qui pour son auteur est à la fois un constat, et une revendication, hier tout autant qu’aujourd’hui. Il résume aussi, à sa manière, son cheminement. L’Afrique fait partie de Paris, de la France, tout comme elle fait partie de lui. « Moi, ma relation avec tous ces artistes m’a fait comprendre ce que c’était d’être noir. On ne naît pas noir : on le devient. Pareil pour les blancs. Le noir vit avec ça ; et c’est un grand progrès que le blanc se rende compte qu’il est blanc. Moi j’ai eu la chance de le comprendre. »

Source www.pan-african-music.com

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