L’américaine d’origine ghanéenne débarque sur le devant de la scène avec These roots are on fire, premier EP prometteur et incroyablement stimulant. PAM s’est entretenu avec cette artiste à la curiosité débordante, pour mieux décrypter sa musique introspective.
Le premier EP de Kilamanzego -prononcez « kill a man’s ego »- possède tous les atouts pour devenir l’une des révélations de l’année 2020. These Roots Are on Fire est un condensé de bass music sensible et syncopée, impressionnante de maturité. Court mais intense, l’EP propose cinq titres au groove futuriste, farcis de micro-détails propres à l’electronica et baigné d’une atmosphère mélodique épaisse qui joue au yoyo avec nos émotions. Un premier essai qui n’a rien à envier aux maîtres du genre Lapalux, Jimmy Edgar ou Machinedrum, avec qui elle est d’ailleurs amie.
Quel est ton background musical et comment as-tu commencé la musique électronique ?
J’ai commencé par écouter du R’n’B et du rap populaire comme Mary J Blidge, Salt & Pepper, mais aussi du rap hardcore comme Onyx ou DMX grâce à mon grand frère. Mon père m’a pris des cours de violon quand j’étais petite, et c’était ma première vraie expérience de musicienne. Quand ma radio préférée de rap et R’n’B est morte, j’ai commencé à essayer de me faire des potes à l’école, avec toutes sortes de gens différents. Tous ceux avec qui je suis devenue amie m’ont présenté des choses nouvelles, comme le hip-hop expérimental, le rock, le ska, le reggae roots, le punk, etc… J’écoutais déjà du jazz via mon père et du highlife ghanéen via ma mère. J’ai ensuite pris toutes ces influences musicales et j’ai laissé ma curiosité d’artiste aller plus loin, et j’ai donc commencé à apprendre la basse, la guitare, le trombone… tout ce qui me tombait sous la main. Quand j’ai bougé de la maison de mon père, j’ai commencé à écouter encore plus de hip-hop expérimental car l’un de mes colocs apprenait à faire des beats sur FL Studio (à l’époque appelé Fruity Loops). C’est comme ça que j’ai découvert J Dilla et j’ai directement acheté son album Donuts qui venait de sortir (et un T shirt !). Bien plus tard, j’ai déménagé en Californie sur un coup de tête pendant un an. C’est comme ça que j’ai découvert Kaytranada, ce qui m’a mené vers d’autres artistes hip-hop électroniques comme Ta-ku. À partir de là , je me suis plongée dans Soundcloud pour découvrir que ce style de musique pouvait être encore plus étrange, ce qui me plaisait beaucoup. J’ai ensuite essayé de monter un duo hip-hop avec Simone, l’une de mes meilleures amies. Ça n’a pas vraiment marché car nous n’avions pas de beats ni d’argent, alors je me suis dit que j’essaierai moi-même. Je me suis procurée une copie d’Ableton et le reste appartient à l’histoire.
Est-ce que tu ressens toujours ton influence ghanéenne quand tu composes tes beats ?
Oui, clairement. Ça ne sera peut-être pas évident pour ceux qui écoutent de l’afrobeats, du hiplife, du dancehall ou du highlife, mais il y a des percussions ou d’autres instruments et sons qui viennent d’Afrique.  La manière dont ils sont joués et quel que soit le groove, tout est inspiré non seulement par le Ghana et la vibe ghanéenne, mais par l’Afrique dans son ensemble.
D’où vient ton pseudo ? Y-a-t-il un message caché ou est-ce le fruit du hasard ?
On faisait un brainstorming de noms avec une amie, et je disais que je voulais m’appeler Kilimanjaro parce que ça sonnait bien. J’ai rapidement décidé d’oublier cette idée, parce que je n’imaginais même pas le nombre de personnes qui utilisaient déjà ce nom, et j’aurais probablement été noyée dans les recherches Google. Néanmoins je voulais toujours utiliser un nom similaire, surtout la première partie du mot. On a continué à balancer des idées débiles comme Kilamanyero ou Kilamanjahu. Elle a laissé échapper un « Kilamanzego ! » et je me suis dit, woah, c’est ça! Elle m’a demandé « tu as compris ? » Ça m’a pris quelques secondes pour faire enfin le rapprochement et je trouve que c’est un parfait mélange entre ma culture africaine et un jeu de mots expressif. Honnêtement, je trouve ça génial quand un nom provoque instantanément un déclic avant même de comprendre sa vraie signification.
Que veux-tu exprimer à travers le titre de l’EP ?
Le titre raconte mon cycle, la manière dont je traverse de nombreuses étapes d’anxiété. C’est aussi une sorte de résolution à cette réflexion, celle d’être satisfaite peu importe ces luttes auxquelles je fais face. Ma vie est constamment faite de hauts et de bas émotionnellement et mentalement, donc chaque morceau traverse ces phases de façon chronologique. Le premier morceau « Everything goes black » est quelque peu sombre et reflète ma solitude. Le morceau suivant « Crossed out », c’est moi face à l’adversité, la manière dont je me sens lorsque je jette mon énergie dans le contexte des autres, sans faire partie de leur monde. Le morceau titre « These roots are on fire » est également inspirée par mon anxiété croissante, et c’est à ce moment qu’on peut entendre le pic de mon raisonnement. Une fois que l’on a traversé ces émotions, on termine sur « Exploration », où je me suis mise d’accord avec qui je suis, et où j’utilise ces connaissances pour découvrir davantage de choses sur moi-même et de nouvelles manières de mener ma vie. Ensuite, tout recommence une fois que tu appuies sur « repeat » (rires).
Il est vrai que ces morceaux regorgent d’émotions. As-tu besoin d’être dans un certain état d’esprit pour les composer ?
C’est difficile à dire mais je suis une personne très émotionnelle en général. On peut lire en moi comme dans un livre ouvert. Si tu me connais personnellement, tu sais que je ressens la moindre petite chose : si quelqu’un souffre ou décrit sa souffrance, je vais commencer à la ressentir. Si quelqu’un est nerveux ou inquiet, je sens mon anxiété grandir en moi. En écrivant de la musique, je suis juste moi-même, et tout cela trouve sa place dans mon processus.
L’EP est disponible depuis le 17 avril 2020. Ecoutez-le ici.